«Nous n’héritons pas de la terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants.» Le mot de Saint-Exupéry inspire toujours ceux qui tentent de comprendre où va le monde, en croisant notamment la démographie avec la situation de la planète Terre. (Gilles Fumey)
Voici un manifeste à deux voix de philosophes, Frédéric Spinhirny, directeur-adjoint à l’hôpital universitaire Necker-Enfants malades et Frédéric Wallenhorst, professeur à l’université catholique de l’Ouest, connu pour ses livres sur l’anthropocène. Il tombe pile au moment où reviennent en force les discours natalistes, avec l’idée d’un déclin qui commencerait dans les berceaux.

Avec 1,8 enfant par femme en 2022, jamais l’indice de fécondité français n’aété aussi bas en France. Les politiques de droite entonnent le refrain du déclin. Sur le bord extrême (RN), les bébés sont des migrants en moins. Chez LR, on est d’accord avec les démographes: pour sauver les retraites, il faut des enfants ou des immigrés. Et aider les mères à toucher des retraites qui tiennent compte du temps passé à éduquer les enfants. On accuse volontiers le camp d’en face à gauche d’avoir la «haine de la famille», alors que François Ruffin rêve qu’on revienne à des aides familiales pour tous et non pour les plus modestes… Au gouvernement, ces idées natalistes sont jugées plutôt comme du passé, elles remontent en effet au Front populaire, au gaullisme… On veut alors plutôt favoriser le droit des femmes et celui des enfants. À gauche, Sandrine Rousseau qui avait lancé à l’Assemblée «Lâchez nos utérus», veut ouvrir les frontières. Il est loin le temps où Mitterrand cherchait à encourager le troisième enfant, sans vraiment se soucier des impacts financiers (éducation, santé).
De quel droit demander de faire des gosses? se demandent les deux auteurs (qu’on espère géniteurs de familles nombreuses). S’adressant aux lectrices et lecteurs en âge de procréer: «Vous avez remis en cause le patriarcat, le sexisme. Vous avez développé une intelligence du monde qu’on ne vous a jamais enseignée.» Alors, n’écoutez pas ceci: l’accroissement de la population mondiale serait responsable des crises environnementales actuelles. Renoncer aux enfants, c’est encourager les récits pessimistes commençant à prendre corps chez certains politiques, c’est se replier sur la sphère individuelle où «[votre] choix primerait l’intérêt collectif. C’est, à terme, renoncer à la politique. Cela signifie que [vous] laissez l’économie prendre le dessus».
Et la population mondiale? Paul Ehrlich, qui a écrit La bombe P en 1968, estimait qu’elle monterait à 5,5 milliards, alors que Roger Revelle (de Harvard) la voyait en 1976 atteindre 40 milliards. Donc, les prévisions… En revanche, pour les auteurs, il est réaliste d’estimer que les couples avec deux enfants feraient, si tout le monde adoptait ce schéma, baisser les émissions de GES (gaz à effet de serre) de 3%. «Moralement, l’enfant représente surtout la faculté de se projeter dans l’avenir.» Pour construire le monde de demain, il faut juste bâtir un monde viable pour ceux qui ne sont pas encore nés. Et «insérer les enfants dans le cycle des produits de consommation revient à envisager l’humain, voire n’importe quel vivant, comme ressource à réduire».
Pourquoi faire porter la responsabilité de tous nos maux aux enfants à venir? se demandent les auteurs. On oublie que l’Europe (ou l’Occident si on veut élargir aux pays riches du Nord) est entrée dans un hiver démographique: l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne, la Russie, etc. sont toutes en gros déficit démographique. En France, la dégringolade est amorcée. Plus grave, selon Wallenhorst et Spinhirny: cela signifie que «notre rapport affectif à l’autre semble s’amenuiser». Ils citent l’IFOP qui pose la question: qui sont les 18-25 ans en 2022? 44% des sondés déclarent n’avoir eu aucun rapport sexuel durant l’année écoulée (25% huit ans avant). «La sobriété reproductive à l’époque de l’anthropocène ressemble furieusement au courage de l’abstinence par temps de prohibition.»
Pas de futurs consommateurs!
Les auteurs se demandent si ne pas vouloir d’enfant n’est pas une manière de rejeter le système capitaliste et consumériste. Certes, mais remettre en cause le désir d’enfant est «un sacrifice démesuré par rapport à nos autres possibilités d’action». Car c’est le capitalisme qui nuit à l’environnement et non nos futurs enfants… «Les multinationales ont pris en otage les gouvernements qui peinent à respecter les accords internationaux, dont celui de la COP 21 à Paris en 2015.» Il nous faut combattre la fatigue d’être selon Alain Ehrenberg et «la flemme de se projeter dans un autre».
Citant Hannah Arendt, les auteurs imaginent notre monde «comme une tente dressée sur la Terre, espace d’hospitalité à l’égard de la pluralité humaine». Il faut sauver l’hospitalité à l’égard de l’autre à partir de ses trois figures radicales: l’étranger qui vient d’ailleurs, l’enfant à naître pour le futur, le non-humain déjà là et d’une autre condition. «Ne faut-il pas faire naître quand le monde est mauvais?» se demandent Spinhirny et Wallenhorst. L’obsession de la décadence ne relève-t-elle pas d’un «romantisme sombre, une maladie fin-de-siècle»?
Changer le monde serait-il un jeu d’enfant? Arendt voyait les naissances comme des ruptures, «porteuses d’espoir politique», et non seulement des événements biologiques. Comme l’émergence d’une nouveauté radicale «dans un monde par nature empreint de passé». Il n’y a pas d’événement plus puissant qu’une naissance «pour apporter du neuf au cœur de la société». Ce sont les naissances qui animent l’action politique, qui créent du neuf, s’opposent à «ce qui annihile notre humanité». «Ne plus faire d’enfants, c’est considérer la catastrophe comme inéluctable. Abdiquer face aux pouvoir destructeur de l’argent.» Le mot de la fin: «accueillir les enfants, c’est tenter de préserver l’hospitalité du monde».
Nathanaël Wallenhorst & Frédéric Spinhirni, Vous voulez sauver la planète? Faites des gosse!, Le Pommier, 2023.
Sur le blog
«La démographie, ça sert surtout à faire peur» (Renaud Duterme)
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nous ne pouvons taire, dans cette considération, le nombres d’enfants placés en famille d’accueil, tous ceux à adopter, l’augmentation globale de la population qui est lié au souci de l’alimentation, et de l’artificialisation des sols, et par voie de conséquente l’augmentation de la faim dans le monde et la migration des pauvres vers les pays riches, des déserts jusqu’aux terres arables! à quoi bon faire naitre des enfants, si c’est pour que des dictateurs s’en servent comme chair à canons par centaines de milliers ou pour grossir les effectifs de classes surchargées pourvoyeuses de surdiplômés chômeurs! il est clairement établis que les jeunes ont besoin d’un revenu, pourquoi ne se rueraient-ils pas plutôt sur les formations rémunérées? ne faudrait-il pas remplir les caisses de l’état, au lieu de les vider dans les poches des milliardaires?
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