Comment vivre sur un radiateur quand le climat s’emballe?

Nouvelle hausse des températures jusqu’à 40°C. Une nouvelle chape de plomb sur plusieurs dizaines de départements. Pour cette 29e vague de chaleur depuis l’an 2000 (contre 17 entre 1947 et 1999). Et si l’épisode de cette mi-août était une préfiguration de ce qui nous attend dans les toutes prochaines années lorsque les canicules s’emballeront à tout moment de l’année? (Gilles Fumey)

Une bande diagonale prend la France en écharpe entre l’Alsace et le Gers, atteignant la vallée du Rhône jusqu’à la Savoie. Comment va-t-on survivre à cet épisode, se demandent des millions de Français. Car l’injustice climatique et environnementale saute aux yeux. La géographe Élisabeth Dorier (université d’Aix-Marseille) a participé à une enquête sur les quartiers Nord de Marseille (du 13e au 16e arrondissement) et, notamment la résidence des Lauriers (photo):«Les Lauriers c’est l’exemple typique, c’est une longue barre posée sur une dalle de béton, un véritable radiateur.»

Les Lauriers (Marseille)

Derrière le joli nom de laurier, espèce végétale méditerranéenne, se trame l’histoire d’une barre qui a commencé en 1964 et s’est achevée quatre ans plus tard. La livraison du bâtiment en 1968 a été suivie d’une réhabilitation huit ans plus tard qui a permis de vivre six ans avant une nouvelle opération (1982-1987). Cette barre de 237 m (soit 100 m de plus que la Cité Radieuse du Corbusier, achevée en 1952, dans le 8e arrondissement) a la particularité qu’on n’en perçoit jamais la totalité. Les treize niveaux avec deux appartements traversants par étage ont été imaginés par P. Franceschini et P. Yard, qui avaient déjà participé à la reconstruction du port de Marseille.

Quarante-cinq ans ont passé: les cités de Marseille sont devenues des fournaises, le béton capte la chaleur. La 2e ville de France avec 870 700 habitants compte le quart de sa population aux revenus inférieurs au seuil de pauvreté et 40 000 demandes de logements sociaux. 73% des ménages marseillais sont éligibles aux logements sociaux dont 1000 vivant actuellement dans 36 bidonvilles (source: Dihal). Et le rapport Nicol comptait 40 000 logements indignes. Le nouveau maire, Benoît Payan, a pu convaincre l’agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) d’intervenir sur dix quartiers prioritaires (avec des engagements en 2022 de 2,7 milliards d’euros). Un programme local de l’habitat métropolitain (PLH) prévoit entre 2023 et 2028 la création de 1 500 logements sociaux, assortie d’une obligation de les disséminer dans toute la ville, à hauteur de 30%. Cela sera-t-il suffisant?

Quartiers nord de Marseille (Gérard Juilen) © AFP

Pour le collectif «Nos vies, nos voix», il faut aller jusqu’à un contrôle technique des immeubles tous les cinq ans (comme les automobiles), une mobilisation contre «la délinquance sociale des propriétaires indignes», la «démarchandisation» du logement.

Élisabeth Dorier déplore que les îlots de fraîcheur, comme la colline Périer, soient privatisés. Elle calcule que près 28%des espaces de verdure à Marseille ne sont pas publics. Et sur le littoral, c’est pire: jusqu’à 74% selon les communes autour de la cité phocéenne. Marseille manque singulièrement d’espaces verts, ces lieux végétalisés de plus en plus convoités et peu accessibles aux plus modestes. Rappelons que la chaleur de l’été 2022 a tué 5 000 personnes en France. Et cela ne va pas s’arranger.

Un avertissement qui date de 2003 © Chaîne météo

En effet, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur connaît de plus en plus de nuits tropicales, autrement dit des canicules, c’est-à-dire des journées marquées par des fortes chaleurs la nuit. Une situation qui va devenir la norme à partir de 2040 selon les climatologues du GIEC. Autrement dit, durant les étés à partir de cette date, toutes les villes littorales ou non connaîtront en moyenne 70 nuits tropicales par an, avec un réchauffement des eaux de surface de la Méditerranée qui limitera le refroidissement nocturne de juin à octobre.

Et l’on sait, avec les dernières violences urbaines de juin-juillet 2023, que la question du logement n’est qu’un aspect de la vie dans les métropoles. «Construire des logements en repensant à l’intérieur des cités tout ce qui fait la cohésion sociale est plus urgent que de construire des prisons.» (Abbé Pierre, 2005).


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Lutter contre les îlots de chaleur

Lutter avec des solutions low tech (Caisse des dépôts)

Un reportage de France 24


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