
La géographie est tenace. Dans les grandes villes, les parents d’élèves qui souhaitent choisir leur établissement scolaire choisissent parfois de s’installer dans les quartiers des villes-centres. Pour avoir plus de choix et contourner la carte scolaire qui assigne à résidence. (Gilles Fumey)
À Paris, où l’affectation des élèves des collèges en lycées tourne au casse-tête, le rectorat a voulu résoudre le problème par une plate-forme nommée Affelnet. En toute opacité alors que le ministère parle de mixité sociale.
Lundi 28 juin, le couperet est tombé. L’Académie – une institution qui ne fait jamais son mea culpa – a annoncé des « résultats plutôt bons » (alors que 628 élèves n’avaient pas d’affectation au 29 juin), en faisant allusion à la mixité sociale et scolaire. Mais pour amplifier la mixité, l’algorithme a été modifié.
Cette obsession de la mixité angoisse certaines familles. C’est une des réponses de l’État aux appréciations de l’OCDE qui désigne la France comme un pays peu exemplaire pour résoudre les inégalités. Des inégalités qui s’amplifient tout au long du parcours scolaire et dans l’enseignement supérieur où l’on veut plus de « diversité sociale ». Sciences Po avait brisé le tabou par la discrimination positive en réservant des places pour des élèves issus d’établissements moins cotés. Une idée qui fait son chemin dans les grandes écoles où la question de « points bonus » aux boursiers agite le landerneau académique.

À Paris, les établissements qu’on appelle les « lycées d’élite » sont convoités par les parents qui songent au parcours de leurs enfants vers les classes préparatoires. Le recteur de Paris, Christophe Kerrero, répétait qu’il y a « une vie à Paris en dehors du lycée Charlemagne » pour ne pas citer Henri IV et Louis-le-Grand. Certes, les collégiens qui accédaient aux lycées « recherchés » (les trois précédents, plus un certain nombre connu des Parisiens) ont des moyennes très hautes (plus de 15/20), à comparer avec ceux des lycées (qu’on ne nommera pas) qui n’ont quasiment aucun de ces potaches doués. Le recteur (nommé il y a un an) se targue d’avoir cassé une « logique mortifière » de concurrence pour accéder à ces lycées, notamment dans les arrondissements à la frontière entre le centre et l’est de Paris.
L’algorithme prend en compte la géographie de l’habitat, les résultats scolaires (un peu moins qu’avant), l’introduction d’un quota de boursiers, et un curieux « indice de positionnement social » (IPS) qui fait état d’un profil sociologique des collèges d’origine. Du coup, on a abouti à un choix restreint, quasiment impératif pour les familles.
Certes, jadis, la majorité des élèves allaient dans le lycée de leurs quartiers mais avec de tels contrastes sociaux dans l’Est parisien, les pouvoirs publics tentent de corriger les données de la géographie.
Que penser de cet indice IPS ? C’est simplement une assignation à résidence. Elle a fait disparaître les quatre anciens districts parisiens (Est, Ouest, Nord, Sud). Désormais, tout collège se voit rattaché à un groupe de cinq lycées situés à moins d’une demi-heure en transports en commun du domicile des parents, avec un ou deux établissements dits « attractifs ». On ne peut sortir du secteur que si on a un IPS élevé.
Les mieux lotis habitent au centre où… sont les lycées d’élite
Pour le sociologue Pierre Merle, l’IPS mesure « les conditions de réussite d’un élève » qui réunissent le revenu des parents et leurs diplômes, la taille de l’appartement et son équipement d’un ordinateur familial, l’accès au théâtre, tout ce qui donne du bonus.
Dans ce score, la localisation géographie pèse 74%, les résultats scolaires 22%. « Une réduction problématique » pour Pierre Merle. D’autant qu’il reste des établissements comme Henri IV et Louis-le-Grand qui ne sont pas sectorisés. Pourquoi une telle anomalie si l’on veut la mixité ? Car dans ces lycées, la très grande majorité des élèves viennent de milieux très favorisés. La FCPE, première fédération de parents, située à gauche, dénonce l’hypocrisie consistant à favoriser les parents très bien lotis du centre. Certes, les quotas de boursiers vont évoluer : les lycées qui ont beaucoup de boursiers en auront moins et ceux qui n’en ont pas beaucoup vont devoir ouvrir leurs portes.
Les algorithmes ajoutent de l’opacité à l’opération. Ils dédouanent l’État avec une certaine lâcheté de ce qui autrefois relevait de la liberté des parents.
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