
Pour les enfants des écoles en plein air, les vacances sonnent le regret de quitter un lieu où ils ont découvert le monde hors des classes confinées. 3000 « forest schools » (Allemagne, Danemark) et quelques-unes en France vont s’octroyer une pause. Un remède à la crise de l’école ? (Gilles Fumey)
Ils sont cachés à Saint-Ferréol (Drôme) dans le Diois. Une ancienne possession ecclésiastique où l’école Caminando s’est installée il y a huit ans au pied du Vercors. Imaginez des élèves rêvant devant les arbres ou devisant sous les nuages, des gamins qui créent, remuent la terre et le ciel avec des feuilles mortes, des bouts de bois, écoutent la violoniste qui improvise avec les oiseaux.
L’école promeut les « pratiques pédagogiques vivantes » selon la directrice Muriels Fifils, interrogée par Denis Peiron qui lui fait raconter qui sont les Indiens Kogis : « Ce peuple a compris que certaines plantes s’entraident pour pousser. De la même manière, les enfants qui ne présentent pas tous le même profil d’intelligence, apprennent mieux lorsqu’ils coopèrent. »[1]. Le lien avec la nature ? Le jardinage, en toutes saisons. Les graines sont protégées dès l’automne et les élèves apprennent à connaître les rythmes du temps.

Beaucoup de cours ont lieu dans le jardin. Les verbes sont mimés pour les petits du cours préparatoire. « Nous respectons le socle commun mais nous nous servons de notre environnement pour rendre plus concrets les apprentissages », selon la directrice.
On cultive la curiosité des enfants en s’appuyant sur des périmètres comme une mare, un bosquet. Les jeunes dessinent, enquêtent sur des bouts d’os trouvés dans le jardin. D’où vient cette vertèbre, se demandent-t-ils à l’« observatoire ». Ce qui relève de l’académique n’est pas inexistant, on découvre la grammaire, l’orthographe par des dictées qui créent des « traces » des épisodes de la journée. « Mais la façon dont les anciens élèves s’adaptent au collège prouve que les pédagogies actives et la taille réduite des classes – avec trois groupes multiniveaux d’une dizaine d’enfants – permettent d’apprendre tout aussi bien. » (M. Fifils)
Denis Peiron raconte qu’un matin, les rives du Bès, le ruisseau local, ont connu une crue qui devait empêcher les enfants de le franchir. Troncs, branchages sont alors assemblés par les élèves pour un pont de trois mètres. Ce qu’une jeune professeure des écoles appelle, en référence aux Kogis, « l’émergence, l’imprévu nous forçant à trouver ensemble des solutions ».
Les enfants aiment raconter comment, en haut d’une colline, perchés sur un chêne, ils découvrent l’horizon du paysage et les gouttes d’eau qui perlent sur les feuilles. Ils aiment affronter le froid, le chaud, la pluie et le vent. Au moment où l’école en France est mal en point, un souffle bienvenu pour préparer le monde d’après.
[1] « À l’école de la nature », La Croix, 3 juin 2021.
À lire :
« École en plein air : « La différence est très nette en termes de bien-être et de motivation » » (Libération)
« École : la ruée vers l’air » (Libération)
« Il est inconcevable pour moi de refaire classe entre quatre murs » (Libération)
« Du Québec au Danemark, la cour au cœur de tout » (Libération)
Pour nous suivre sur Facebook : https://www.facebook.com/geographiesenmouvement/
Ping : L’ivresse spatiale de l’enfance | Géographies en mouvement