« La violence, parce que c’est marrant »

Destruction Babies

À quelques jours de l’assassinat de l’ancien premier ministre Shinzo Abe, sur les écrans sort « Destructions Babies », superbe film de Tetsuya Mariko. Géographies en mouvement l’avait découvert à Locarno en 2016. Le réalisateur avait alors obtenu, à l’âge de 35 ans, le prix du meilleur jeune réalisateur. (Gilles Fumey)

Un film stupéfiant, venant du Japon. Sur la violence des jeunes qui rêveraient de l’époque féodale des samourais ou d’un remake japonais d’Orange mécanique ? Destructions babies n’avait pas trompé les festivaliers à Locarno. Car les adolescents ou babies du film pourraient nous ramener au temps des guerriers féodaux. Tetsuya Mariko, déjà connu à Locarno en 2013 pour Ninifuni, revient avec un film inspiré d’un fait divers, prétexte à sonder le sens de la violence dans une société droguée à la consommation où la police semble impuissante à assurer la sécurité.

Sur l’île de Shikoku, le port de Mitsuyama, ville littorale de la préfecture d’Ehime dans le sud de l’Archipel, héberge dans un chantier naval deux orphelins, Taira (un sublime Yuya Yagira, repéré à Cannes en 2004) et Shota (Nijiro Murakami). Désœuvré, violent, cynique, Taira cogne les passants et se fait répondre par des tabassages en règle lorsqu’il est confronté à des bandes rivales. Très vite, la question du sens de la violence surgit comme une énigme qui échappe à tous sauf à Taira dont l’histoire vécue a été racontée au réalisateur. « La violence, parce que c’est marrant ». Le réalisateur racontait à Locarno avoir rencontré un homme qui lui montre ses mains très abîmées, comme le signe de bagarres violentes, incessantes, gratuites. Une violence vécue sur le mode du jeu et du combat.

Destruction Babies

À moins que dans les corps à corps, les appels de Taira à continuer la bagarre alors qu’il est au sol et ne lâche rien, ne soient qu’un appel à l’autre, une reconnaissance de soi, violente à la hauteur de l’ignorance affective dans laquelle il a vécu. À Locarno, Tetsuya Mariko avait expliqué le lien entre cette violence et « la crainte, l’adrénaline, l’émotion ». Dans le film qu’il présente en 2018, actuellement sur les écrans aussi, Becoming Fathers, Tetsuya adapte un manga d’Hideki Arai, où il est question d’un freluquet vengeant sa femme victime d’un viol. Il montre la violence « d’un point de vue objectif, ayant sur elle un regard presque distant, presque contemplatif. Pour donner à voir son absurdité, sa contingence ».

Les lieux qui inspirent

Dans ses recherches géographiques pour Destruction Babies, le réalisateur tombe sur la fête traditionnelle dans la préfecture d’Ehime. On porte dans les rues des sanctuaires en bois sur lesquels des paysans et des pêcheurs tentent de se renverser. Il y voit les Japonais sublimer leurs conflits, les dénigrements et sceller leurs frontières et les règles sociales qu’ils doivent respecter. Mariko explique que c’est en tournant une vidéo musicale qu’un gérant de bar lui raconte cette violence endémique dans la ville. Les cicatrices aux poings et au visage, les récits de témoins poussent Mariko à lier ce drame au chantier naval, aux rues où explosent toutes ces « rafales de violence ». Alors que tous les conflits entre bandes et quartiers sont réglés pacifiquement dans le festival local.

Plus que les lieux, le personnage de Taira, grand taiseux, pose cette question de la violence jusqu’au terme du film, lorsque le trio infernal avec Yuya (Masaki Suda) et Nana (Nana Komatsu) sera constitué pour une histoire dérapant vers des morts criminelles. « Tordu mais sympathique » selon les mots de Mariko, Yuya va découvrir le pouvoir d’intimider, de menacer. Tout comme l’acteur avouera au cours des séances photo que les personnes leur ressemblent. La jeunesse japonaise cache sa vulnérabilité que le vieux Kondo tente de porter pendant un tournage qui fut éprouvant.

Sabres interdits

Film étonnant pour les Occidentaux peu au fait des arts martiaux japonais, Destruction babies fait allusion aux règles qui prévalurent au cours de l’histoire féodale du Japon. A certaines époques, le sabre y était interdit. La transmission des techniques de combat au corps à corps s’est faite par plusieurs milliers d’écoles entretenant jusqu’à 725 styles de lutte. Orientées vers l’auto-défense, certaines de ces techniques sont mises en œuvre dans le film avec un brio qui confine à l’art rendant toute sa jeunesse à la légendaire histoire des samouraïs.


Destruction Babies [(Disutorakushon Beibizu- ディストラクション・ベイビーズ)], de Tetsuya Mariko avec Yuya Yagira, Masaki Suda, Nana Komatsu, 2016, 108′

Destruction Babies – Bande annonce

Becoming Father – Bande annonce


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Une réflexion au sujet de « « La violence, parce que c’est marrant » »

  1. la violence est inhérente à la jeunesse, que ce soit certains jeunes hommes, mais aussi certaines jeunes femmes. Il me semble que nous entendons depuis peu l’émergence de gangs de filles . Le flux d’hormones rend ces jeunes êtres humains agressifs et brutaux, parce qu’il sont fort, costauds, agiles ( yamakasi),cela a toujours été un problème pour leurs ainés, à commencer par leur parents qu’ils contraignent à baisser les bras bien souvent, quand il ne parviennent pas à canaliser leurs débordements vers le sport ou la guerre!

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