Le monde vu de l’arrosoir

Apologie de l'arrosoirBientôt l’anniversaire du confinement. Une pluie de livres arrive sur les étals des librairies désormais « essentielles ». Celui de Simon, superbe album d’aquarelles et de collages, donne à relire cette sidérante période comme une ode au temps, au monde, à la vie.

Avril, le mois du printemps, des fleurs et des jardins. Le mois où le monde, sidéré, découvre la vie enfermée. Avril 2020, la plupart des pays d’Europe se sont suivi dans la politique de brider le nomadisme des populations. À quelques exceptions près, les riches sont empêchés de liens sociaux, les populations des pays du Sud paraissent maîtriser la situation, les épidémies ils connaissent, et les soins il n’y ont pas accès ou si peu.

Simon et L. décampent du quartier Jussieu à Paris pour une maison de la banlieue. À Cachan, ils se cachent de leur proprio qui tient à les faire banquer pour un appartement qu’ils ont fui pour ne pas rester enfermés. De ce 1er avril jusqu’au 30, Simon aquarellise, écrit, griffonne, découpe la presse, colle, assemble tout ce fatras en des doubles pages somptueuses. Ce diaire assemble le jour, la nuit, le dehors, le dedans du monde, les humeurs en couleurs où le bleu efface le sépia qui annonce le gris, le jaune, l’ocre, le vert, le rouge, parfois le tout en fusion, enveloppant des personnages, des arbres, des végétaux aux formes souples, rondes étreignant le visage de L.

Apologie de l'arrosoir

Héros de la chronique, le jardin est l’exutoire de toutes les angoisses et les promesses de ce temps inédit. Il entre dans les chambres, le salon, il émerge du geste d’un François d’Assise semeur aux oiseaux, du soin de l’arrosage, d’un dialogue de gestes et d’attentions pour les asters, les soleils, la coriandre, de la « gaze de vrombissement » des abeilles, de la tristesse de voir un cerisier dont « les feuilles sont vérolées d’un parasite insaisissable ».

L. et Simon lisent, tapent sur leur clavier, se cachent sous la couette leurs humeurs changeantes et les petites brouilles exaspérantes. Les souvenirs s’invitent incognito, tel l’incendie de Notre-Dame dont l’anniversaire sonne le désastre d’une civilisation qui pourrait brûler pour rien.

Soudain, Simon est inspiré par ses poumons auxquels il offre une « hymne » vibrante aux 426 millions de respirations qu’ils ont pratiqué en cinquante-huit ans, alimentant le « biniou de la vie » en Bretagne, ventilant la carcasse pendant les nuits sans jamais faire faux bond, pompant l’air nécessaire pour le vélo y compris en milieu hostile, aérant les pensées, soufflant dans les voiles du temps qui passe.

Le jardin aura le dernier mot. Il est, pour Simon, le canton de l’avenir. « La coopération jardinière à l’échelle de la planète » souhaitée par Régis Debray passe par ces minuscules parcelles, invisibles des avions et satellites. Mais le transport du pollen sur le dos velu d’un bourdon éveille à un monde qu’il faut espérer voir. « Notre jardin, vu d’un satellite, n’a guère dû nous changer. Mais au fond de nous, il a changé, il nous a changés. »


L’apologie de l’arrosoir se demande chez l’éditrice Akinomé

Nous avons déjà parlé des magnifiques livres de Simon, celui sur l’Inde, et la Chine.


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