L’IA pour trouver son partenaire?

« Comment vous vous connaissez ? » On pose souvent la question aux couples. Car une rencontre, c’est souvent franchir une distance. C’est briser cet écart entre celle ou celui avec qui nous aimerions entamer une relation. De nouvelles approches spatiales seraient possibles avec l’intelligence artificielle. Non sans risques. La multiplication des applications de rencontres, très spécialisées, est un fait lié à l’usage des algorithmes censés maximiser les chances d’une compatibilité. À la télévision, les couples sont tout émoustillés de tenir leur histoire d’une simple application. Incongru ? Que ceux qui ont connu les « Chéri je t'aime » de Libé dans les années 1970 se rappellent qu’elles n’étaient qu’une version plus poétique que celles, célèbres, du Chasseur français. En 2021, les applications tendent la perche des uns aux autres à partir d’une histoire qui a commencé aux États-Unis il y a 30 ans. Leurs utilisateurs se compteraient en dizaines de millions dans le monde. Mais surtout, les sites se sont spécialisés : tout peut devenir un indicateur croisé avec des dizaines d’autres. Bouddhiste, végan, violoniste, cinéphile… sont multipliables à l’infini. La séduction joue à plein chez ceux qui rêvent d’un alter ego. Mieux que les petites annonces classiques, celles moulinées par les algorithmes sont censées offrir des réponses plus fines ? Les contraires « qui s’attiraient » vont-ils « matcher » (ce qui veut dire aller ensemble) ? Le moulinage en question, en sociologie, on le pratique souvent comme un tri. Rencontrer une femme blonde diplômée ou un homme de type asiatique de moins de quarante ans, c’est déjà trier. Que peut faire l’intelligence artificielle ? Sur Meetic, un robot qui s’appelle Lara vous fait la conversation et peut même vous suggérer des idées de conversation, voire des sujets à aborder lors de votre première rencontre. Mon collègue, le philosophe Jean-Michel Besnier raconte son étonnement à voir des couples sur la série Black Mirror à qui on prédit la date de leur future séparation et se « bouleverser de voir à quel point il y a de la prémonition dans ces scénarios qui sont des extrapolations de choses qui existent déjà ». Ces services ne donnent-ils pas l’illusion du choix ? Car finalement, si nous pouvons échouer, nous pouvons aussi aller contre notre destin. « L’utilisation de ces services montre une désaffection pour le hasard. Vouloir maîtriser la rencontre, c’est presque un non-sens car elle implique la surprise, l’inattendu », pour Jean-Michel Besnier. Et la distance émotionnelle ? Cette approche rejoint celle d’une autre collègue, Laurence Devillers, spécialiste d’informatique appliquée aux sciences humaines et sociales, qui se demande comment l’intelligence artificielle investit toujours plus la sphère de l’intime pour le meilleur et pour le pire. Cela n’est possible que parce que les algorithmes exploitent nos données fournies par nos requêtes sur internet : goûts, situation personnelle, intimité permettant des profilages plus fins, jusqu’à notre personnalité et nos émotions. Auteure en 2020 d’un livre sur les robots émotionnels, Laurence Devillers explique qu’on sait développer des machines analysant les comportements de personnes en interaction, s’ils rient ou parlent, s’ils sont tristes ou joyeux. D’où une plus grande « précision » algorithmique sur la compatibilité amoureuse. « Mais que signifie ce pronostic qui relève davantage de l’horoscope que de la science ? Que veut dire détecter l’amour ? Est-ce identifier une certaine attirance ? un respect mutuel ? un partage ? Nous sommes bien plus complexes que cela », se demande-t-elle ? Source : Rencontres.org Pour lors, les plus performants systèmes de reconnaissance des émotions font encore beaucoup d’erreurs, même quand il s’agit d’émotions simples comme la joie, la colère ou la peur. Ils ne parviennent pas à capter la diversité et la complexité des émotions. Comment en serait-il autrement lorsqu’au Japon l’émotion se masque et qu’au Brésil ou en Italie, elle se surjoue ? Sans compter qu’on peut pleurer de joie… Pleurer ne permet pas d’affirmer qu’on est triste. La nouveauté est que les systèmes des GAFA (Alexia, Google home, Cortana, Siri…) capturent beaucoup de données émotionnelles, « tel ce bracelet connecté qui analyse vos paroles pour vous dire si vous êtes plutôt triste, joyeux ou en colère. » Ces données audio vont donner aux machines l’occasion de s’entraîner pour aller plus loin. Jusqu’où aller ? Car l’IA pour les rencontres amoureuses, ce sont des problèmes éthiques. Comment imaginer que celles et ceux qui se rencontrent aient les mêmes tendances, les mêmes intérêts ? Où est le brassage ? Le hasard ? Sans compter qu’une machine ne peut pas être responsable de ce qu’elle dit, car elle n’a pas d’intention propre, elle n’a pas le sens de ce qu’elle dit. Le risque est que nous ne puissions plus décrypter le vrai du faux donné par la machine. À quoi pourraient ressembler nos « amis machines » ? Ces « anges gardiens pleins de sollicitude à qui nous prêtons des capacités humaines pourraient utiliser nos biais cognitifs pour nous manipuler » se demande Laurence Devillers. Il faut saisir le Comité national pilote d’éthique du numérique pour lui signaler qu’on doit anticiper certains comportements des machines, se demander si elles respectent nos libertés et nos droits. Si nous devons nous diriger une société où l’IA et l’intelligence émotionnelle sont actives, les citoyens doivent savoir à quelles dérives ils sont exposés. Pour nous suivre sur Facebook : https://www.facebook.com/geographiesenmouvement« Comment vous vous connaissez ? » On pose souvent la question aux couples. Car une rencontre, c’est souvent franchir une distance. C’est briser cet écart entre celle ou celui avec qui nous aimerions entamer une relation. De nouvelles approches spatiales seraient possibles avec l’intelligence artificielle. Non sans risques.

La multiplication des applications de rencontres, très spécialisées, est un fait lié à l’usage des algorithmes censés maximiser les chances d’une compatibilité. À la télévision, les couples sont tout émoustillés de tenir leur histoire d’une simple application. Incongru ? Que ceux qui ont connu les « Chéri je t’aime » de Libé dans les années 1970 se rappellent qu’elles n’étaient qu’une version plus poétique que celles, célèbres, du Chasseur français.

En 2021, les applications tendent la perche des uns aux autres à partir d’une histoire qui a commencé aux États-Unis il y a 30 ans. Leurs utilisateurs se compteraient en dizaines de millions dans le monde. Mais surtout, les sites se sont spécialisés : tout peut devenir un indicateur croisé avec des dizaines d’autres. Bouddhiste, végan, violoniste, cinéphile… sont multipliables à l’infini. La séduction joue à plein chez ceux qui rêvent d’un alter ego.

Mieux que les petites annonces classiques, celles moulinées par les algorithmes sont censées offrir des réponses plus fines ? Les contraires « qui s’attiraient » vont-ils « matcher » (ce qui veut dire aller ensemble) ? Le moulinage en question, en sociologie, on le pratique souvent comme un tri. Rencontrer une femme blonde diplômée ou un homme de type asiatique de moins de quarante ans, c’est déjà trier.

Que peut faire l’intelligence artificielle ? Sur Meetic, un robot qui s’appelle Lara vous fait la conversation et peut même vous suggérer des idées de conversation, voire des sujets à aborder lors de votre première rencontre.  Mon collègue, le philosophe Jean-Michel Besnier raconte  son étonnement à voir des couples sur la série Black Mirror à qui on prédit la date de leur future séparation et se « bouleverser de voir à quel point il y a de la prémonition dans ces scénarios qui sont des extrapolations de choses qui existent déjà ».  Ces services ne donnent-ils pas l’illusion du choix ? Car finalement, si nous pouvons échouer, nous pouvons aussi aller contre notre destin. « L’utilisation de ces services montre une désaffection pour le hasard. Vouloir maîtriser la rencontre, c’est presque un non-sens car elle implique la surprise, l’inattendu », pour Jean-Michel Besnier.

Et la distance émotionnelle ?

Cette approche rejoint celle d’une autre collègue, Laurence Devillers, spécialiste d’informatique appliquée aux sciences humaines et sociales, qui se demande comment l’intelligence artificielle investit toujours plus la sphère de l’intime pour le meilleur et pour le pire.  Cela n’est possible que parce que les algorithmes exploitent nos données fournies par nos requêtes sur internet : goûts, situation personnelle, intimité permettant des profilages plus fins, jusqu’à notre personnalité et nos émotions. Auteure en 2020 d’un livre sur les robots émotionnels, Laurence Devillers explique qu’on sait développer des machines analysant les comportements de personnes en interaction, s’ils rient ou parlent, s’ils sont tristes ou joyeux. D’où une plus grande « précision » algorithmique sur la compatibilité amoureuse.  « Mais que signifie ce pronostic qui relève davantage de l’horoscope que de la science ? Que veut dire détecter l’amour ? Est-ce identifier une certaine attirance ? un respect mutuel ? un partage ? Nous sommes bien plus complexes que cela », se demande-t-elle ?

Rencontres en ligne

rencontres.org

Pour lors, les plus performants systèmes de reconnaissance des émotions font encore beaucoup d’erreurs, même quand il s’agit d’émotions simples comme la joie, la colère ou la peur. Ils ne parviennent pas à capter la diversité et la complexité des émotions. Comment en serait-il autrement lorsqu’au Japon l’émotion se masque et qu’au Brésil ou en Italie, elle se surjoue ? Sans compter qu’on peut pleurer de joie… Pleurer ne permet pas d’affirmer qu’on est triste.

La nouveauté est que les systèmes des GAFA (Alexia, Google home, Cortana, Siri…) capturent beaucoup de données émotionnelles, « tel ce bracelet connecté qui analyse vos paroles pour vous dire si vous êtes plutôt triste, joyeux ou en colère. » Ces données audio vont donner aux machines l’occasion de s’entraîner pour aller plus loin.

Jusqu’où aller ?

Car l’IA pour les rencontres amoureuses, ce sont des problèmes éthiques. Comment imaginer que celles et ceux qui se rencontrent aient les mêmes tendances, les mêmes intérêts ? Où est le brassage ? Le hasard ? Sans compter qu’une machine ne peut pas être responsable de ce qu’elle dit, car elle n’a pas d’intention propre, elle n’a pas le sens de ce qu’elle dit. Le risque est que nous ne puissions plus décrypter le vrai du faux donné par la machine. À quoi pourraient ressembler nos « amis machines » ? Ces « anges gardiens pleins de sollicitude à qui nous prêtons des capacités humaines pourraient utiliser nos biais cognitifs pour nous manipuler » se demande Laurence Devillers.

Il faut saisir le Comité national pilote d’éthique du numérique pour lui signaler qu’on doit anticiper certains comportements des machines, se demander si elles respectent nos libertés et nos droits. Si nous devons nous diriger une société où l’IA et l’intelligence émotionnelle sont actives, les citoyens doivent savoir à quelles dérives ils sont exposés.


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