
À Locarno, où le climat est devenu tropical humide, l’Islandais Rúnar Rúnarsson présente en compétition un film d’hiver. Un pari qui donne un voyage inédit au cœur des passions humaines d’une société parfois déboussolée, mais jamais désespérée.
L’Islande aime à jouer avec le feu et la glace. Ce pays moins peuplé que la ville de Nice, quasi inconnu sur la planète, s’est fait remarquer en 2010 par l’explosion d’un volcan, l’Eyjafjallajökull, qui a semé la pagaille dans le ciel européen où circulaient plus de 20 000 avions. Ce pays au milieu de nulle part, dans l’Atlantique nord, enkysté sur la dorsale océanique à moins de trois cents kilomètres du Groenland, est moins le sujet de Bergmál que la société islandaise elle-même. Le film serait son « écho », si l’on veut traduire le titre.
Dans ce troisième long métrage, l’Islandais Rúnar Rúnarsson (Volcano, Sparrows) tient à le faire savoir. Les paysages grandioses d’un hiver enneigé et sans geyser ne tiennent pas lieu de décor. Ils sont juste la plongée initiale dans le chaudron de cinquante-six scènes indépendantes, filmées autour de Noël et du Nouvel an. Chez les Islandais et dans leurs lieux publics. Le réalisateur parle d’une « prise de distance » annonçant autant de destins particuliers qui sont tous des parcelles de notre « humanité universelle ».
Solitude, isolement, peurs, humour, tristesse, générosité, présent, passé : tous ces sentiments, pour Rúnar Rúnarsson, « travaillent la réalité » et offrent « une façon de voir les choses à grande échelle ». Les fêtes de fin d’année sont une « saison propice à l’amplification de nos propres émotions », une « invitation à regarder plus autour de nous, comme à Noël » où dans la vacuité des parenthèses sociales et familiales, nous réalisons qui nous sommes. Une société individualiste où l’empathie qui fait défaut tisse une tragédie sans fin.

Certes, l’Islande est bien le sujet du film mais beaucoup de pays ont contribué d’une manière ou d’une autre à écrire ce récit du monde. Y compris le hasard voulant que l’incendie volontaire d’une maison brûlant dans la nuit soit la première scène tournée du film. Rúnar Rúnarsson refuse l’approche narrative mais s’il consent à « couper le temps », il doit enregistrer et assembler ces « échos » de la vie qui donnent du style à l’écriture.
Vu comme une galerie d’art et ses fresques sociales, Bergmál n’enferme pas le monde dans des histoires qui pourraient être sans fin. « On a donné quelque chose de court sans solution finale. » Rúnarsson « en avais un peu marre de [lui]-même » et voulait utiliser « toutes les ressources du langage cinématographique pour faire un film différent, en évitant les contes grecs avec situation, rebondissement et fin ».
Il reste que cette Islande narrée en plans fixes, comme « des pierres ramassées » tels des fragments de vie et d’émotion, conduit Rúnarsson à la vouloir l’« écho d’une société post-moderne » en cherchant la bonne lumière.
La bande-annonce :
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