
Des bacchanales romaines à la fête marchandisée d’aujourd’hui, la célébration de l’amour reste un divertissement – dans ce que certains voient comme la morosité ambiante. Le détournement d’une carte du 16e siècle et les paysages insolites participent à cette poésie. (Gilles Fumey)
Qu’on s’étonne de voir le 14 février dans le monde comme une fête de l’amour ! Un tour du monde de ces attentions portées par les couples qui s’aiment est édifiant. Il n’y a guère que les pays d’Islam qui interdisent la vente de roses rouges, mais qu’en est-il des autres manifestations dans la sphère privée ?
Les géographes ont de quoi se divertir sur leur contribution à une esthétique du cœur, particulièrement présente ce jour-là. Car, après tout, les cartes, les paysages sont des objets d’art et de science. Même numérisés, ils se diffusent en gardant leur beauté énigmatique qui les rend encore plus poétiques.

Prenons la carte cordiforme (en forme de cœur) d’Oronce Fine. Elle répondait au 16e siècle à cette difficulté d’avoir la plus grande précision dans la représentation du monde. Mathématicien né à Briançon, Oronce Fine imagine une représentation du monde en 1536 qui est la première à fixer sur une carte les terres australes. Ces territoires inconnus étaient l’objet de toutes les spéculations, d’où ces profils imaginés de l’Antarctique prête à être peuplée…
Cette carte-cœur est pensée à partir des travaux du mathématicien de Nuremberg Johannes Werner. Sans le savoir, il est à l’origine d’une véritable mode des cartes cordiformes au 16e siècle, toutes éparpillées dans de multiples collections en Europe. Embastillé pendant sept ans pour s’être opposé à François 1er, Oronce Fine était aussi un astronome qui inventa un cadran solaire.

L’imagination des scientifiques de l’époque tient à la découverte de la circulation du sang par William Harvey et le rôle, devenu central, du cœur dans le fonctionnement du corps humain. Le cœur qui « bat la chamade » est alors admis comme le siège des émotions, ce que contestaient vivement le médecin grec Galien au 2e siècle et les savants du Moyen-Age.

On tient une excellente corrélation entre l’imaginaire d’un peuple et son usage pour penser les découvertes scientifiques. Cette association du cœur et de l’amour enflamme les imaginations au-delà de la science. Les photographes s’en donnent à cœur joie.
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