Le Cervin, montagne magique pour soigner du Covid-19

Écrire. Écrire partout. Écrire sa peur, son espoir. Les Suisses prêtent le flanc du Cervin, leur montagne fétiche, à l’écriture par faisceau laser. Pour conjurer leur angoisse face au Covid-19.

Cervin, Coronavirus

Le Cervin éclairé par Gerry Hofstetter

Les Suisses pensent tous que le Cervin (dent de gneiss pointée à près de 4500 m d’altitude dans le Valais) se mange sous la forme de Toblerone. En ce printemps volé aux humains confinés, ils envoient un coup de laser tous les soirs sur la face nord. Message : « en signe d’espoir et de solidarité ». Gros mots qui ne mangent pas de pain dans un pays cadenassé où les riches sont à la campagne dans leurs chalets avec le très haut débit pour tous les opéras du monde qu’ils auraient ratés à Vienne ou Salzbourg et les autres au front, entubant les insuffisants respiratoires, livrant les colis Amazon, nettoyant les places publiques.

Le message est envoyé par l’« artiste » suisse Gerry Hofstetter qui transformerait les monuments et les paysages en « objets d’art éphémères ». Avec une date butoir : le 19 avril, qui devrait marquer en Suisse le début du déconfinement. Optimistes Suisses…

Le landart est une pratique vieille comme le monde et non pas, comme on le pense, de l’art contemporain. Après tout, les grottes ornées sont bien des usages des parois (calcaires, la plupart du temps) pour le dessin et la peinture. Dans les années 1960, l’américain Robert Smithson a emmené avec lui Robert Morris, Dennis Oppenheim, Michael Heizer et Christo qu’on a vu en France emballer le Pont-Neuf à Paris et bientôt l’Arc-de-Triomphe de l’Etoile. Un « art » qui a dégénéré en sous-culture pop, avec l’usage des lasers, notamment pendant les concerts de musique électronique.

De plus anciennes pratiques d’usages des falaises existaient en Asie. A Bâmiyân et Kakrak en Afghanistan, de colossales statues ont été sculptées vers le Ve siècle sur des falaises de grès avant d’être détruites par les talibans il y a quelques décennies.

Écrire, «pour essayer de survivre»

Faute de monuments historiques en forme de panthéon européen, les Étatsuniens ont carrément confisqué un lieu sacré amérindien Lakota (sioux) et rebaptisé Rushmore en 1885 non loin de Keystone (Dakota du Sud). Sur du granite, Gutzon Borglum a été chargé par un avocat new-yorkais Rushmore, de sculpter quatre présidents marquant de l’histoire du pays, Washington, Jefferson, T. Roosevelt et Lincoln. Non loin de là, dans les Black Hills, en signe de contestation, la fondation Crazy Horse finance un mémorial au célèbre chef amérindien éponyme, sculpté par Korczak Ziółkowski, un travail encore inachevé aujourd’hui (ci-dessous).

Crazy Horse par Korczak Ziółkowski

L’usage d’habiller avec des faisceaux laser les monuments les plus spectaculaires de la nature s’est glissé en ville, d’abord à Lyon avec la fête des Lumières du 8 décembre, puis sur les plus grandes cathédrales pendant la période estivale.

La lumière, comme la sculpture, est une forme d’écriture. Et « écrire, pour Le Clézio, c’est surtout essayer de survivre ».


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