(Locarno 2019) « La fin du monde » pour résister à la modernité

O Fim do Mundo (Basil Da Cunha)

Lisbonne est à la mode. Mais qui sait que Reboleira est un bidonville à deux pas du centre touristique ? Vit là une jeunesse désœuvrée avec Basil Da Cunha, réalisateur suisse, qui en a fait sa résidence. « Un des derniers maquis où l’on peut vivre autrement » dit-il.

Da Cunha s’est fait connaître à Cannes. Mais le Vaudois au nom portugais présente à Locarno O fim do mundo (La fin du monde) en compétition pour le Léopard d’or qui correspond mieux à l’esprit du festival suisse si l’on en croit la nouvelle directrice artistique française, Lili Hinstin. Da Cunha a choisi le retour à la mère-patrie de ses parents dans cette favela où croupissent tous ceux qui sont relégués par le capitalisme. Dans cette enclave promise à la destruction, pour Da Cunha « la modernité n’existe pas », les téléphones sont plutôt rares. Et les personnages qui sont les voisins et amis du réalisateur jouent une pièce qui n’est pas que tragique.

O Fim do Mundo (Basil Da Cunha)
O Fim do Mundo (2019, réal. Basil Da Cunha)

On suit les traces d’un jeune Spira (Michael Spencer en beau ténébreux) passé par huit ans de centre fermé. Il y a perdu son adolescence. Il revient au quartier presque adulte. Et rêve d’un futur qui ne s’allume pas. Les lueurs de l’amour avec l’adolescente déjà mère ne lui donneront aucune clé pour l’avenir. Que faire dans un quartier où il n’y a aucun travail, sinon partir ? Et s’il fallait partir, comment se décider ? Pour aller où ? Au fond, peu importe, les bulldozers sont là et il faudra bien déguerpir un jour. En attendant, Da Cunha est impressionné par ces jeunes qui résistent et « croient aux vertus du crime à l’ancienne ».

Avec le baptême qui ouvre le film et les obsèques qui le closent, Da Cunha donne à voir moins le rôle de l’Église qu’un « cycle de vie, qui serait comme le parcours du quartier ». Avant que les habitants n’en soient chassés pour habiter parfois « sous les ponts, dans les églises ». Dans cette misère qui colle aux lieux et assombrit les rêves, un cheval blanc, un poisson-lune, un iguane font verser les heures sombres du quartier dans l’élégie à laquelle le dernier feu d’une explosion sur une terrasse du bidonville est une forme d’apothéose.

O Fim do Mundo (Basil Da Cunha)
L’équipe du film (3e depuis la droit: Basil Da Cunha)

Plusieurs fois durant la conférence de presse qui a suivi la projection du film à Locarno, Da Cunha et ses acteurs ont insisté sur le rôle purificateur du film. Non seulement, le réalisateur sort les gamins du quartier (il fallait les voir parader dans les rues de Locarno et sous les acclamations au Fevi), il leur donne un job, certes provisoire, mais en espérant qu’il séduira d’autres réalisateurs. Marco, Michaël, Iara, Luisa et Alexandre attendent de nouveaux castings pour donner un caractère politique à cette résistance. Toute la noblesse du film tient dans ce combat qu’ils mènent contre la fatalité.



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