
Pour certains enfants, l’entrée dans le monde se fait hors d’une famille, dans un univers un peu chaotique. Des institutions, telle le Hogar à Buenos Aires, tentent d’organiser une vie un peu tranquille pour le démarrage dans la vie. Des mères adolescentes y sont accueillies dans un lieu tenu par des religieuses italiennes qui les accompagnent jusqu’à leur autonomie.
Maternal raconte une réclusion pensée comme nécessaire pour protéger les bébés et les enfants de l’instabilité psycho-affective de certaines mères.
Maura Delpero, qui signe son quatrième film, le dit d’emblée : « Je voulais tester ma capacité à m’inspirer d’un lieu réel pour le transformer en fiction ». Le scénario a été écrit en Argentine chez des sœurs italiennes qui font face à la maternité alors qu’elles ont fait une croix sur la leur. « Le désir de maternité se partage ici avec deux actrices, Denise Carrizo et Augustina Malale, qui n’ont jamais vu une caméra », contrairement à Lidiya Liberman, qui incarne la religieuse se rapprochant des deux filles. « Comment se rapprocher de ces femmes cloîtrées ? Qui jouent un rôle de miroir nous apprenant à se connaître ? » se demande-t-elle.
Maternal est aussi un film sur la découverte du monde par les enfants. Avec un apprentissage qui passe – ou non – par l’attachement. La psychologue canadienne Mary Ainsworth[1] a établi plusieurs types de comportements d’attachement que peuvent montrer des enfants ayant besoin de liens et d’autres ignorant les séparations, se focalisant sur les jouets ou leur environnement immédiat, rejetant leur mère ou se laissant difficilement réconforter.

Dans les problématiques migratoires actuelles, la réalisatrice Maura Delpero veut voir la question de l’attachement comme une quête centrale pour tout être humain. D’autant que les mères – âgées de dix-sept ans, dans le film – vivent sans doute la maternité comme un « court-circuit émotionnel », d’autant plus intense qu’il se passe dans un couvent. « Le ventre et le couvent » sont deux lieux rassurants dont il faut un jour se détacher.
Documentaire ? Pas vraiment, le scénario est « très travaillé sur la question du désir de maternité ». Un désir qui ne focalise pas l’action sur les mères mais, au contraire, les projette dans le monde, parfois très violemment. « Le juge décidera de vous laisser votre enfant ou non », prévient la supérieure à Luciana qui a déserté plusieurs jours et abandonné son enfant aux sœurs parce qu’elle voulait « baiser ».
Un film troublant sur ce qui constitue sans doute pour chaque humain un retour sur son entrée au monde dont les marques sont imprimées au plus intime de sa psychologie.
[1] Nicole Guedeney, L’Attachement, un lien vital,Fabert, 2011.
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