L’esprit du monde dans la passion de la montagne

«Homo Sapiens, un grimpeur né», écrivent David Chambre et Catherine Destivelle, dessinés par Laurent Bidot (Il était une fois l’escalade, Mont-Blanc-Les Arènes). Sapiens grimpeur, partageant sa folie grâce à des photographes qui donnent de la montagne une proximité géographique inégalée. Une re-création du monde avec les nouvelles technologies qui n’en finit pas. (Gilles Fumey)

On connaissait le rôle des cartes, des globes, des astrolabes, de Google Earth pour renouveler le rapport au monde des humains. Mais au-delà des techniques, voyons les images pour aller vers ce qu’il y a de primordial, de poétique. Il faut un écrivain de la trempe de Cédric Sapin-Dufour, désormais connu grâce à Son odeur après la pluie, pour mettre en valeur ce qu’elles «attisent de l’imaginaire». Ainsi, mettre en scène des grimpeurs qui n’ont dans la tête «que le mètre d’après», qui «réduisent l’univers au prochain piton», tel Stéphane Husson, sur ce «Clocher penché» du Beaufortain.

En regardant les montagnes, on les trouve immuables, immortelles, «les neiges éternelles et les cathédrales de roc berçant toujours et malgré tout nos rêves d’enfant grand». Pourtant, la montagne «siffle, craque, gronde et se meut». Inhospitalière, hostile, jetant quelque chose comme un défi. La photographe Monica Dalmasso (1) tente aussi de saisir «le pouvoir de l’âme des montagnes», et «l’extraire du formol». Il faut faire ressentir les mouvances, les déchaînements, les chaos. «Une photo réussie, c’est aussi cela, c’est revivre.»

Spectre de Broken © Éric Lasserre (Blog)

Voyons l’ombre des montagnes se projeter sur les nuages, et apparaître le spectre de Brocken. C’est-à-dire? Une diffusion de la lumière à travers les gouttelettes de brouillard. Une apparition à l’origine de superstitions comme dans Les paradis artificiels de Baudelaire.

Ueli Steck sur l’arête du Mont-Blanc du Tacul ©  (Glénat)

Et la matière? C’est une folle discussion avec l’infiniment petit alors qu’on se croit à l’étroit et que l’observation des poussières, des nuances, nous mène à la Voie lactée. Cédric Sapin-Dufour suit la photographe à Yakushima pour son geste, les éléments, la matière. «Avec la matière, il s’agit de s’entretenir lentement et de prendre son temps.»

Robert Bösch, dans Montagnes en majesté, déroule quarante années de la vie d’Ueli Steck, alpiniste, ou des grimpeurs comme Nina Carrez ou Steve House, ou d’autres encore. Mais c’est plutôt de la montagne qu’il s’agit: alpinisme, escalade, mais aussi kayak, parapente ou vélo sur les parois et chemins d’Europe, d’Himalaya ou d’ailleurs. Il faut avoir ce don d’être actif dans les montagnes, se lancer des défis comme dans le Bouclier d’El Capitan, côtoyer la mort dans l’Himalaya. Reinhold Messner avoue: «quand je regarde les photographies de Robert Bösch, c’est comme si l’esprit du monde nous avait surpris dans notre passion».


Monica Dalmasso, Sauvage ! Texte de C. Sapin-Dufour, Glénat, 2023.

Robert Bösch, Montagnes en majesté, Glénat, 2023.


Sur le blog

«Entre terre et ciel» (Gilles Fumey)

«Grimper et courir les sommets» (Gilles Fumey)

«Fous de l’espace» (Gilles Fumey – liberation.fr)


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