Après le très-féministe-mais-pas-si-militant Madonna, place au pas-si-féministe-mais-très-militant Mary Kom, biopic sur une multiple championne du monde de boxe originaire du Manipur, province du nord-est de l’Inde animée d’une sérieuse agitation indépendantiste. Exemple type du film qu’on aime détester – à moins que ce soit l’inverse. Ce blockbuster bollywoodien signé Omung Kumar, sorti en 2014, a trouvé sa place dans la section « Cinéma de genre : plus féroces que les mâles », ne serait-ce que parce qu’il donne à voir une image de la femme bien loin des clichés que véhicule le cinéma indien mainstream – ce qu’on lui reproche assez.
Le pire…
Tout droit sorti de l’industrie bombayenne, emmené par l’ancienne Miss Monde Priyanka Chopra et rythmé par des chansons à faire pleurer des camionneurs, le film contient tout – ou presque : on échappe aux interminables chorégraphies, et ce n’est pas rien – ce qu’il peut y avoir d’insupportable dans le cinéma indien commercial. À commencer par des tics de mise en scène et d’écriture usés jusqu’à la corde dans des milliers de film sur le sport : dialogues éculés sur la rage de vaincre, montages nerveux sur les sessions d’entraînement, péripéties sur le modèle Olive et Tom, adversaire allemande dure à cuir et mauvaise perdante sur les bords, tout y passe.
En point d’orgue, on pourra montrer dans toutes les écoles de cinéma le montage alterné entre une finale de championnat du monde bien mal entamée – le syndrome Olive et Tom, toujours – et l’opération à cœur ouvert de l’enfant de l’héroïne.
… et le meilleur
Mais il y a aussi ce qu’on aime : une naïveté et un amour du cinéma contagieux, une histoire à laquelle on a envie de croire et, surtout, quelques uppercuts dans le menton des stéréotypes de genre.
Il faut reconnaître au film sa capacité à illustrer la notion d’intersectionnalité, c’est-à-dire l’entrecroisement des mécanismes de domination dans la société. Mary Kom a dû non seulement faire face aux difficultés que rencontre toute femme se consacrant à haut niveau à un sport réputé masculin – insultes à l’intention de son mari comprises –, mais aussi compter avec le mépris lié à son origine ethnique et sociale – elle est issue d’une famille de paysans d’une ethnie minoritaire du Manipur.
À travers le parcours hors-normes de cette championne, et quitte à forcer le trait ici et là, le film résume la prégnance des rapports de domination entre castes, classes, ethnies et genres dans l’Inde contemporaine.